Dans l’univers décentralisé du partage de fichiers via BitTorrent, un site intrigue par son ambition démesurée : infohash.lol. Lancé il y a plusieurs années, ce projet énumère exhaustivement tous les infohashes possibles, ces identifiants hexadécimaux de 40 caractères qui servent de signatures uniques aux torrents. Avec un espace mathématique de 2^160 combinaisons (soit environ 45 septillions de pages potentielles ), le site illustre l’échelle cosmique de la cryptographie moderne. Chaque page affiche 32 de ces identifiants, avec un aperçu d’un océan numérique où coexistent torrents réels et fantômes inexistants.
Le fonctionnement repose sur la Distributed Hash Table (DHT) de BitTorrent, un réseau pair-à-pair qui permet de détecter des pairs connectés sans serveur central. Pour chaque infohash généré, infohash.lol interroge ce système afin de vérifier la présence de données actives et d’extraire des métadonnées associées, comme le nom du fichier ou sa taille. Bien que la récupération soit souvent perturbée par un « bruit de fond » généré par des crawlers et indexeurs, le site révèle ainsi des torrents oubliés ou isolés, sans stocker ni héberger de contenu. Cette approche purement interrogative met en lumière la robustesse du protocole, où la rareté des réponses valides souligne l’efficacité des hachages SHA-1 sous-jacents.
Parmi les curiosités, on trouve des exemples concrets : l’infohash d’Ubuntu 24.04 ou du court-métrage open-source Sintel, accessibles via des URL simples comme https://infohash.lol/[identifiant]. Le site propose aussi un accès aléatoire ou aux extrêmes de sa pagination infinie, transformant une exploration théorique en une expérience ludique. Des discussions récentes sur les reseaux sociaux soulignent son utilité pour les développeurs testant des clients torrent, ou simplement pour visualiser l’immensité probabiliste qui rend les collisions quasi impossibles.
Côté risques, infohash.lol navigue en eaux troubles sans pour autant franchir de lignes rouges. Fournir des identifiants n’équivaut pas à distribuer du contenu protégé, car les infohashes eux-mêmes ne sont pas copyrightables, comme l’expliquent des experts en protocoles P2P. Cependant, une utilisation malveillante pour cibler des torrents illégaux pourrait attirer l’attention des autorités, bien que le site reste neutre et non indexé pour des recherches ciblées, rendant toute chasse au trésor aussi futile que de fouiller un univers de foin.
Au-delà de l’aspect technique, ce projet évoque la Bibliothèque de Babel de Borges : un catalogue exhaustif contenant tout, y compris l’inutile. Il rappelle pourquoi la sécurité numérique repose sur des probabilités astronomiques plutôt que sur des murs physiques, et invite à réfléchir à l’évolution de BitTorrent face aux alternatives centralisées comme les clouds. Pour les passionnés d’informatique, infohash.lol n’est pas un outil quotidien, mais une méditation fascinante sur les fondations du web décentralisé. Si vous testez, armez-vous de patience, l’infini n’est pas fait pour les pressés.